Depuis plusieurs mois voire plusieurs années, votre supérieur hiérarchique souffle le chaud et le froid, vous vous sentez perdue, seule, les autres vous disent que vous vous faites des idées, que c’est un homme (ou une femme) charmant.e… C’est vrai que lorsque vous avez commencé à travailler ensemble, il/elle était très agréable, très à l’écoute, il/elle s’intéressait à vous, à vos problèmes. Mais aujourd’hui, tout a changé.
Le vendredi soir, vous êtes contente de partir en week-end et le dimanche soir, vous avez la boule au ventre. Pourtant, vous adorez votre travail. Vous ne comprenez pas ce qui se passe.
Et si votre manager était un/une pervers narcissique (PN) ?
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Mais avant, distinguons le pervers narcissique du manipulateur.
#1 – Manipulateur/Pervers Narcissique
Un manipulateur est une personne qui va vous amener à accepter de faire quelque chose que vous n’auriez pas fait de votre propre chef.
D’abord, il va vous « accrocher » en vous posant une question pour obtenir un « oui », tel un représentant commercial. Vous savez, celui qui vous appelle au téléphone pour vous vendre « le robot qui fait tout dernier cri à prix cassé » !…
- Bonjour, vous êtes bien Madame Lelièvre ?
- Oui
- Vous faites vous-même la cuisine, au moins de temps en temps ?
- .. oui, de temps en temps
Et voilà. Vous êtes « hameçonnée ». Maintenant, vous êtes obligée d’écouter jusqu’au bout ce qu’il a à vous proposer. Vous ne pouvez plus dire que vous n’êtes pas intéressée.
Le manipulateur procède de la même façon :
- Eh, Fanny ! Tu n’as pas trop de travail en ce moment, n’est-ce pas ?
- Un peu quand même (vous êtes « bien » élevée, dire non serait « mal » poli)
- Donc tu as un peu de temps
- .. euh… oui
Ferrée. Il peut maintenant passer à la seconde phase : vous faire sa demande cachée derrière un écran de fumée empli de positif, de flatterie et de tromperie.
- J’ai un dossier super intéressant pour toi. Tu serais vraiment parfaite pour le traiter, c’est tout à fait dans tes cordes. Il doit être terminé pour demain soir. Tu es vraiment la meilleure et c’est super que ce soit toi qui t’en occupe. Tu es vraiment la mieux placée, et de loin !
Il vous présente ce qu’il attend en mêlant le positif avec le négatif : c’est tout à fait dans tes cordes/un dossier à terminer pour demain soir. C’est une offre deux en un, emballée dans un beau paquet cadeau.
Ensuite, il flatte votre égo : quelle femme parfaite peut refuser de traiter un dossier qui est dans ses cordes quand elle est la mieux placée ?
En même temps, il vous trompe : c’est un dossier super intéressant alors qu’il s’agit d’un dossier comme un autre. Mais comme c’est urgent, il vous le vend comme l’affaire du siècle.
Et enfin, il joue avec votre estime de vous : comme tu es la meilleure, tu peux faire le dossier pour demain soir. Sous-entendu, si tu ne le réussis pas, tu es mauvaise… Piqué au vif, votre ego va tout mettre en œuvre pour réussir.
Le manipulateur procède ainsi dans des situations exceptionnelles. Il use de cette stratégie quand il est acculé mais le reste du temps, il se comporte normalement. Nous sommes toutes et tous amené.e.s un jour où l’autre à manipuler plus ou moins subtilement quelqu’un, ne serait-ce que nos enfants… Vous savez quand ils ne veulent pas finir leur assiette ou ranger leur chambre…
En principe, derrière la manipulation, il y a une intention positive : le dossier à boucler pour le développement de l’entreprise ; terminer son assiette pour la santé de votre enfant ; le rangement pour son bien-être et le vôtre.
Le pervers narcissique (3% de la population), lui, procède ainsi tout le temps, avec l’intention de nuire. Qu’il soit homme ou femme, le pervers narcissique n’a qu’un seul objectif : vous détruire.
J’ai pu assister en live à ce type de comportement, avec un manager pour qui j’ai travaillé pendant 18 mois. Grâce à mes connaissances en développement personnel et en psychologie, j’ai pu soutenir moralement ma collègue (qui a quand même fini par faire un burn out) puis l’alternante du service (qui avait un contrat d’un an)… avant de me retrouver moi-même dans sa ligne de mire. Heureusement pour moi, mon contrat a pris fin quinze jours plus tard.
Voyons comment un pervers narcissique procède.
#2 – La lune de miel
Au début de votre rencontre, il ne vous connait pas. Comme c’est un être hyper sociable, il est charmant et charmeur. Il s’intéresse à vous, vous pose des questions sur votre façon de travailler, s’inquiète des difficultés que vous pouvez rencontrer, vous encourage à continuer pour progresser… voire s’intéresse à votre vie privée.
Il a aussi beaucoup de charisme, présente bien, il donne l’illusion d’être une personne parfaite et brillante. C’est le manager idéal que tout le monde rêve d’avoir, très apprécié de ses supérieurs hiérarchiques et des autres équipes car il atteint des objectifs élevés.
Las, ce n’est qu’une illusion. Derrière cette belle façade immaculée se cache un être amoral, insidieux et destructeur. Il veut briller de mille feux aux yeux du monde entier, est obsédé par son image (et celle de son service) et ne supporte pas que quelqu’un puisse être meilleur que lui. Lors de sa phase d’observation, il va repérer la personne qui risque de lui faire de l’ombre (personne compétente, perfectionniste, instruite, intelligente, HPI, qui prend des initiatives…) ET qui manque de confiance en elle.
Une fois qu’il a identifié une cible, il va insidieusement passer à l’attaque de façon tout à fait imperceptible mais irrémédiable, jusqu’à la mettre à terre.
Sa philosophie : je gagne ou tu perds.
Voyons 4 de ses différentes stratégies pour parvenir à ses fins.
#3 – La déstabilisation
Après vous avoir posé des centaines de questions, l’air de rien, il a enregistré une quantité impressionnante d’informations vous concernant : vos difficultés, vos problèmes, vos valeurs, vos peurs… Il va les utiliser comme arme de déstabilisation à votre encontre :
- Je suis vraiment étonné de toi. Vu l’expérience que tu as, je suis surpris que tu aies laissé passer cette énorme erreur. Jamais on n’envoie un dossier sans le relire. Comment je vais justifier ça auprès du chef, maintenant ?
- Peut-être que cela te va, mais j’attends mieux de toi. Tu peux vraiment faire mieux. Qu’est-ce qu’il t’arrive. Reprends-toi. Il faut que tu prennes sur toi. Va voir untel, demande lui s’il peut se disponibiliser pour la réunion de jeudi. C’est important.
- Ton fils est malade et je comprends très bien que tu aies de temps pour t’occuper de lui, mais nous, on a besoin de personnes disponibles pour l’entreprise. Ca nous pose vraiment un problème que tu doives partir à 18h30 tous les soirs.
- Depuis quelques temps, tu passes beaucoup de temps au café, tous les midis. Pendant ce temps là, on n’avance pas sur nos dossiers. Tu sais qu’on doit présenter tel sujet au CODIR mardi prochain ?
- Tu es trop maternante avec ton équipe. Ce n’est pas bon pour eux. Il faut qu’ils se prennent en charge, et toi tu peux faire autre chose au lieu d’écouter leurs plaintes. Après, c’est toi qui vois, mais ce n’est pas bon pour toi, cela t’empêche d’atteindre tes objectifs. Je dis ça, c’est pour toi. On verra au moment de l’EIA, mais fais attention, cela peut te retomber dessus !
Il minimise vos qualités pour vous faire croire que vous n’êtes pas à la hauteur, que vous ne valez rien. Il vous méprise, vous fait des reproches, vous culpabilise, profère des menaces « pour votre bien« .
Vous commencez à perdre pied ? Attendez. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
#4 – L’art du flou
Pour ne jamais être pris en porte à faux, c’est un maestro dans l’art de l’imprécision et du flou.
Ainsi, au détour d’un couloir, il pourra vous lancer :
- Ah, Nathalie, tu tombes bien. Je viens de voir Jean, il nous demande un état d’avancement du projet. Tu peux me faire ça ? Et tu ajouteras un graphique aussi. Ce sera plus parlant. Tu sais ce que j’attends !
Pourquoi est-ce une arme redoutable ?
En ne précisant pas ses attentes (par exemple, quelles données doivent apparaître dans le graphique), si cela ne convient pas au commanditaire (votre N+2), le PN pourra se victimiser en assurant que vous n’avez rien compris de ce qu’il a demandé, que c’est toujours comme ça, que vous n’êtes pas compétente, qu’il ne sait pas comment vous êtes arrivée à ce poste, parce que vraiment…
Ensuite, en restant flou, il sème chez vous la confusion et le doute. Pendant que vous réfléchissez pour deviner sa véritable demande, il a l’ascendant sur vous.
Par ailleurs, cela lui permet de ne pas s’engager. Il vous impose donc de prendre vous-même les décisions, ce qui lui permettra de s’en servir contre vous à la première occasion :
- Mais hier, quand je t’ai dit que je devais aller chercher ma fille malade à l’école, tu m’as donné ton accord pour partir plus tôt
- Je n’ai jamais dit ça ! Tu n’as pas compris ! Et comme tu t’es absentée avant la fin de la journée, tu dois poser une RTT pour compenser ton absence
De plus, grâce à ses propos imprécis, si le vent tourne en sa défaveur, cela lui laisse toujours une porte de sortie en arguant sans complexe que vous n’avez pas compris ce qu’il a dit.
Quoiqu’il arrive, il ne sera jamais coupable ou responsable de quoique ce soit. C’est toujours vous la responsable.
Alors que vous êtes complètement perdue, votre cher manager continue à vous maltraiter avec une autre technique toute aussi machiavélique que les deux précédentes… Vous en doutez ? Lisez la suite
#5 – Les doubles contraintes
Il est passé spécialiste dans l’art de vous donner des ordres irréalisables sous la forme d’injonction paradoxale que l’on appelle également double contrainte.
D’après Gregory Bateson qui a défini ce concept le premier, pour qu’il y ait double contrainte il faut que nous soyons obligés de choisir entre deux ordres, et ces deux ordres ne peuvent être tous deux accomplis sans désobéir à l’un ou à l’autre.
Elle tourne autour de 3 principes fondamentaux :
- Explicitement si vous faites l’une des actions au détriment de l’autre, vous serez puni,
- Implicitement si vous ne faites aucune action, vous serez puni,
- Vous ne pouvez pas échapper à la situation.
Dans certains cas, s’ajoute la condition :
- Si vous pointez du doigt la contradiction, vous serez également puni.
Il y a donc deux demandes en une seule. Mais le paradoxe, c’est que si vous réalisez l’une des deux, la seconde n’est pas exécutée. Par exemple : sois plus spontané !
Quoique vous décidiez, le pervers narcissique ne sera pas satisfait et se servira de ce qui n’est pas accompli pour vous le reprocher.
Par exemple, votre charge de travail est devenue tellement importante que vous n’êtes plus en capacité d’y faire face. Votre manager PN vous demande de vous occuper d’une présentation PowerPoint pour la réunion de demain matin, alors que vous avez déjà un tableau de bord à finaliser pour la réunion de cet après-midi.
Vous lui faites remarquer que vous n’avez pas le temps ; il vous répond :
- Le PowerPoint, ce n’est pas long. Il faut juste montrer ça, ajouter un chiffre ou deux et faire des propositions pour qu’Alain et Philippe puissent prendre position. C’est important pour qu’on puisse avancer sur le projet. Tu sais faire un PowerPoint quand même ! Ca prend10mn ! Tu manques d’organisation. Depuis quelques temps, tu es moins efficace. Reprends-toi !
Si vous vous consacrez entièrement au tableau de bord, vous ne faites pas le PowerPoint, et vice versa. Dans les deux cas, vous ne faites pas votre travail. Vous pouvez décider de faire les choses à moitié… Dans tous les cas, le PN vous reprochera de ne pas être à la hauteur.
Autre exemple : vous êtes alternante ; à 18h, vous avez un cours important à la fac et il le sait :
- Ah, au fait, il y a une réunion ce soir à 18h00 avec le DRH au sujet des RPS. Je veux que tu sois là pour m’accompagner.
- Je ne peux pas, j’ai un cours à la fac
- Ah ben c’est toi qui vois. Tu sais que les RPS c’est important aussi, c’est à ton programme, je crois. A la fin de l’année, je dois évaluer ta performance pendant ton alternance. Qu’est-ce que je vais dire ? C’est pour toi que je dis ça. C’est toi qui vois. Mais en tout cas, je compte sur toi pour m’accompagner.
Si vous allez à la fac, vous risquez d’avoir une mauvaise appréciation de la part de votre maître de stage PN ; si vous allez à la réunion, vous ratez un cours important, et risquez de rater vos partiels. Là aussi, c’est du perdant/perdant pour vous.
Dernier exemple :
- Je ne peux pas montrer ce projet à notre directeur !
Si vous acquiescez, vous confirmez qu’on ne peut pas le montrer au directeur ; si vous vous opposez, vous entrez en conflit avec lui.
Ces stratégies n’ont qu’un seul objectif : vous affaiblir, vous faire douter de vous-même, vous rendre docile et vous priver de votre sens critique.
Mais pour être meilleur que vous et vous détruire encore un peu plus, il va enfoncer le clou. Comment ? Grâce à …
# 6 – L’isolement
C’est bien connu : diviser pour mieux régner.
Pour asseoir son pouvoir, le pervers narcissique n’attaque jamais sa victime au grand jour. Il le fait toujours à l’ombre des regards, dans son bureau, en face à face, sans témoin.
Il fait régulièrement des points individuels avec chaque membre de l’équipe, cela évite les soupçons : tout le monde est logé à la même enseigne.
Mais alors que pour tous les autres il se comporte normalement, avec sa victime il va souffler le chaud et le froid, stresser sa proie en lui donnant des objectifs élevés, lui mettant une pression de fou notamment sur les délais et sa charge de travail, la félicitant un jour, la rabaissant le lendemain. Il la rabaisse, la culpabilise avant de la complimenter à nouveau. L’une de mes collègues m’a un jour appelée, en larmes, en me disant :
- Hier, j’étais dans le bureau de XXXX, il m’a dit qu’il était content de moi, et ce matin, il m’a fait venir dans son bureau et m’a dit tout le contraire de ce qu’il m’a dit hier soir : que je ne suis pas compétente, que j’envoie des mails au lieu d’aller voir les gens, qu’on perd du temps, qu’il faut aussi que j’avance sur le MOOC, alors que je lui ai expliqué hier tout ce que j’avais fait… C’est tout le temps comme ça. Un jour ça va, un jour ça ne va pas. Je n’en peux plus.
Oui, malheureusement, c’est toujours comme ça. Pour assoir son autorité, se rassurer sur ses compétences, il a besoin de rabaisser sa victime. Mais bien sûr, il ne peut pas le faire au vu et au su de tout le monde, car il aurait des ennuis avec les RH et serait licencié pour harcèlement moral.
En s’attaquant en douce à « l’objet » de sa peur, vous, tout en restant un manager sympa, battant, brillant et socialement conforme aux yeux du reste de l’équipe. Aucune suspicion ne pèse sur lui. Si vous racontez ce que vous subissez, vos collègues n’arrivent pas à la croire, pense que vos affabulez tellement l’image que le PN envoie est idéale.
D’autant plus que de son côté, pendant que vous restez à votre bureau pour travailler, le PN sait entretenir son réseau, en allant voir les uns et les autres. A cette occasion, dans votre dos, il ne se cache pas pour ternir votre image, en prétendant que vous êtes une incapable, qu’il vous demande des choses faciles mais que vous n’y arrivez pas, que vous êtes mauvaise, qu’il ne comprends pas comment vous avez été recrutée, etc.
En réunion, s’il se sent accusé, il peut s’en prendre à vous pour vous faire porter le chapeau devant tout le monde, contribuant ainsi à vous dévaloriser davantage devant le reste de l’assemblée.
Au fil du temps, la personne martyrisée se remet en question, cherche à répondre aux attentes de ce chef malveillant, s’enferme dans le mutisme, jusqu’à tomber en burn out ou en dépression… voire faire une tentative de suicide.
Le pervers narcissique peut alors jouir d’avoir totalement détruit sa victime et se rassurer sur sa supériorité.
Il va alors pouvoir s’attaquer à une autre personne trop brillante à son goût qu’il perçoit comme une nouvelle menace. Car le PN ne se remet jamais en cause et ne cherchera jamais à changer.
Voir aussi : Vous travaillez avec un pervers narcissique : 6 attitudes à adopter pour vous sauver
Si vous aussi avez subi ou subissez les agissements destructeurs d’un pervers narcissique et avez besoin d’aide, contactez-moi pour faire le point sur votre situation et être accompagnée pour vous reconstruire. C’est possible !
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